François Simard Spectrum

28 mai – 11 juillet, 2015

La Galerie Laroche/Joncas est très heureuse de présenter l’exposition Spectrum une exposition solo de nouveaux tableaux de l’artiste François Simard. Ce sera sa premiere exposition avec la Galerie.

Il y a quelquefois dans la pratique d’un artiste, une œuvre qui se démarque des autres, une œuvre qui détonne et nous surprend par sa singularité. Parfois issue d’expérimentations ou de projets spécifiques, elle se présente un peu comme un ovni dans son corpus.

C’est de cette façon que se révèle Spectrum (2011) dans le travail de François Simard. Réalisé à l’occasion d’une exposition bidisciplinaire à l’Œil de Poisson, ce triptyque aux dimensions considérables se compose de trois grands tableaux dont la surface est recouverte essentiellement de bandes verticales aux couleurs vives, pulvérisées au pistolet. Au premier regard, ces toiles surprennent notamment par leur sobriété et leur économie de signes. C’est qu’en fait, bien que Simard élabore pour chacun de ses projets un système rigoureux composé de grilles, de lignes ou de formes répétées qui structurent l’espace du tableau, on y retrouve généralement des interventions plus spontanées et gestuelles qui viennent marquer une rupture dans la mécanique de son système. Dans Spectrum, aucune de ces interventions ne s’y trouve. C’est en fait comme si l’artiste en était resté à la première étape de son modus operandi. Ainsi, comment contextualiser cette œuvre dans la logique picturale de l’artiste? Comment démontrer qu’elle fait sens dans son corpus?

C’est à l’invitation des galeristes André Laroche et Louis Joncas qu’il a été amené à revisiter cette œuvre imposante. À l’occasion de son exposition, Simard a choisi de ne pas retravailler son triptyque. Il a plutôt souhaité le faire dialoguer avec quatre nouvelles œuvres dont la structure a été motivée par les mêmes prémices que ce dernier.

Non sans évoquer le travail sériel de Molinari ou de Tousignant, Spectrum remet à l’avant-plan certains principes chers aux plasticiens de la seconde génération. Bien qu’on y reconnaisse l’importance accordée au champ coloré et au pouvoir structurel de la couleur, il y a davantage dans l’approche de Simard un questionnement de ces enjeux. Délaissant la rigidité du hard edge au profit de l’indétermination du soft edge, le peintre interroge l’espace vibratoire et cinétique tout en remettant en question l’espace-tension qu’il engendre sur la toile. De plus, la grande diversité de couleurs et la liberté de leur application rompent avec l’idée de simplification chromatique et de sérialité. Puis, la légère inclinaison des bandes du troisième segment bouscule subtilement la rythmique verticale instituée dans les sections précédentes. Toutefois, devant ces déviations, une contiguïté certaine transparaît notamment par la saturation et la vivacité de la couleur, mais aussi par le geste systématique et répétitif qui, d’une autre façon, créent un espace dynamique sur la toile.

Pour leur part, les nouvelles œuvres de Simard poussent encore plus loin ce dialogue entamé avec Spectrum et y vont même d’un brin d’audace. Dans cette série, l’artiste soumet l’espace plasticien à des enjeux lyriques et automatistes. En fait, le peintre est intervenu de façon libre et spontanée au travers de ce système de probabilités. Appliquées en transparence tout comme en aplat, ces formes, réminiscences d’Albert Oehlen, de Jonathan Lasker et d’Ad Reinhardt, s’entremêlent aux bandes verticales pour créer un jeu de couches qui à la fois rythme la lecture du tableau et engendre un espace pictural foncièrement ambigu. Ces évènements improbables brouillent en réalité la structure de l’œuvre qui oscille constamment entre la surface et la tridimensionnalité. L’œil du spectateur est alors sans cesse déjoué dans sa tentative de percevoir et de comprendre la construction de cet espace-tension. Les dualités qui en émergent ne sont pas sans rappeler la synthèse proposée dans certaines œuvres de Jacques Hurtubise où l’accident automatiste se heurtait à la rigueur plasticienne. La rationalisation de la gestualité chez Hurtubise fait toutefois place chez Simard à l’imprévu et au dynamisme de la rencontre entre ces deux univers.

Ce dialogue avec les divers langages de l’abstraction picturale, François Simard l’explore depuis les tout premiers débuts de sa pratique. Au fil du temps, l’artiste nous a habitués à une grammaire visuelle foisonnante et chargée. Spectrum se démarque, quant à elle, par sa facture minimaliste et son approche tout en subtilité de cette dialectique. Toutefois, elle n’en demeure pas moins puissante et riche dans son discours. En rejouant donc la structure signifiante de cette œuvre dans ses nouveaux tableaux, Simard non seulement recontextualise cet ovni dans sa démarche en dialogue avec les enjeux essentiels de la peinture, mais démontre l’ouverture des possibilités compositionnelles et discursives de cette approche instinctive qui lui est propre.

Audrey Careau

François Simard est né en 1980 à Urbana en Illinois et a passé la majeure partie de sa vie à Québec, où il a terminé en 2005 une maîtrise en arts visuels à l’Université Laval. Son travail de peinture a été présenté en Angleterre et au Québec dans plusieurs centres d’artistes tels que l’Œil de Poisson, Regart, Clark et B-312. François Simard vit et travaille à Québec.

Audrey Careau est historienne de l’art et commissaire indépendante. Activement impliquée dans le milieu des arts visuels à Québec, elle a notamment réalisé les expositions Passion et engagement. La collection à Québec à la Galerie 3 ainsi qu’Explorations spatiales à l’occasion de l’évènement Relève en capitale présentée au Musée national des beaux-arts du Québec. Ces dernières années, elle a publié des textes sur le travail d’artistes de Québec dont Annie Baillargeon, BGL, Samuel Breton et Patrick Sternon. Elle travaille actuellement au centre d’artistes l’Œil de Poisson.

— english —

François Simard Spectrum
May 28 – July 11, 2015

Sometimes, in the practice of an artist, a work stands out from the others, a work that surprises us by it’s singularity. Possibly originating from experimentations or specific projects, it presents itself as an unidentified flying object, (UFO).
It is in this way that the painting Spectrum (2011) by François Simard reveals itself. Spectrum was realised for the bi-disiplinary exhibition at the gallery, Oeil de Poisson in Québec City. This very large triptych, 84” x 240” (213.5 x 610 cm) is composed of four large stretched canvases whose surface is covered with vertical bands of bright colours, sprayed on with a pistol. At first sight, these canvases surprise because of their simple composition and technique. Usually François Simard has an elaborate, rigorous system composed of grids, lines and or repeated forms that structure the space of the painting, we also generally find more spontaneous interventions and gestural remnants that mark a rupture in the mechanics of his systems. In Spectrum, none of these interventions can be found. In fact, it is as if the artist stopped working after the first step of his modus operandi.

At the invitation of the gallerists André Laroche and Louis Joncas, the François Simard decided to revisit his very large and imposing work, Spectrum. For this exhibition, Simard chose not to rework the triptych but instead to create four new works that would dialogue with the painting.

Evoking the serial work of Molinari or of Tousignant, Spectrum brings to the forefront certain principles important to the plasticiens of the previous generation. Recognizing the importance given to colour field and to the structural power of colour, Simard’s approach highlights these theories by abandoning the rigidity of the hard edge for what the artist calls ”soft edge”. The painter is more interested in the vibrations and kinetic space created with colours but at the same time questioning these tensions. There is a freedom with which the application of colour breaks with the idea of chromatic simplification and the seriality of Molinari. The slight angle of the bands in the third panel of the triptych seems to break the balance of the vertical rhythm preferred in the other panels.

In the new series of works, Simard pushes the dialogue initiated with Spectrum even further. In this new series, the artist puts the traditional espace plasticien at stake through lyrical and automatist mark making.

François Simard was born in 1980 in Urbana Illinois but has spent most of his life in Québec city where he finished his MFA at the University of Laval. His paintings have been exhibited in England and Québec and at several artist centers such as l’Œil de Poisson, Regart, Clark and B-312. François Simard lives and works in Québec city.

Audrey Careau is an art historian and independant curator. Active in the visual arts in Québec city she has realized the exhibitions Passion et engagement, La collection à Québec at Galerie 3, Explorations spatiales for the event Relève en capitale presented at the Musée national des beaux-arts du Québec. She has also published texts on the work of artists Annie Baillargeon, BGL, Samuel Breton and Patrick Sternon. Audrey Careau lives and works in Québec city.

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