Gilles Mihalcean, Nouvelles sculptures
12 novembre – 20 décembre, 2014

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La Galerie Laroche/Joncas est très heureuse de présenter une exposition solo d’œuvres récentes de l’un des sculpteurs québécois les plus innovateurs et célébrés de sa génération, Gilles Mihalcean.

Actif depuis la fin des années soixante, Mihalcean a eu une influence déterminante sur le développement de la sculpture au Québec dans les années quatre-vingt. Ses formes organiques indéfinies sont contenues, étayées et encadrées par la fine précision des angles droits et des matériaux durs, souvent des métaux, qui font référence aux tendances minimalistes des années soixante. Contrastant avec la simplicité professée du minimalisme, toutefois, ces juxtapositions proposent des associations poétiques qui dérivent de va-et-vient incessants entre le petit et le grand, l’intérieur et l’extérieur, le réel et l’imaginaire.

Aussi prolifique qu’à l’aise dans une multitude d’échelles – de sa sculpture monumentale de 14 mètres, Monument à la Pointe (2001), située dans l’arrondissement montréalais de Pointe-Saint-Charles, ou Printemps, installée tout dernièrement au CUSM, aux propositions intimes et philosophiques qui caractérisent sa plus récente production –, Mihalcean bâtit une œuvre unifiée par un subtil sens de l’humour, d’astucieuses juxtapositions et son habileté à générer des métaphores vivantes avec des matériaux inertes.
Les œuvres récentes de Mihalcean incluent avec une apparente facilité différents matériaux, comme l’aluminium, le plâtre, le bois, le graphite, des objets trouvés ainsi que des fibres naturelles. Hétérogènes, elles ne reposent pas nécessairement sur des socles de présentation traditionnels. Elles posent des questions et proposent des énigmes dans divers registres : espace, matière et langue.

Dans Cosmos (2014), l’immensité de l’espace qu’il nous est possible d’imaginer ainsi que l’insoluble et paradigmatique question de notre existence – quelle est notre origine? – sont résumées avec habileté et concision dans une humble boîte d’œufs. Ris, où un os émerge d’un sac de riz vide (ou disparaît à l’intérieur?), ne se limite pas à un amusant jeu de mots, mais suscite une foule d’associations qui se bousculent dans notre esprit avec des résultats surprenants. Encre de Chine présente la figure d’un philosophe asiatique entouré de ce qui peut ressembler à de hautes montagnes, mais qui, en fait, est une statuette du père Noël inversée. L’uniforme lumière obsidienne qui émane de la sculpture évoque l’encre dont on s’est peut-être servi il y a des siècles pour dessiner un semblable lettré en Chine. Dans la formidable Tête de Victor-Lévy Beaulieu, Mihalcean a tiré d’un imposant bloc de graphite un portrait brut mais étonnamment ressemblant du célèbre lion nationaliste de la littérature québécoise. La taille directe et le format renvoient aux procédés traditionnels de sculpture; l’hommage de Mihalcean à cette figure légendaire de la conscience collective québécoise est à la fois contemporain et historique.

Mihalcean est passé maître dans la création de formes qui mettent à l’avant-plan l’incommensurable relation entre l’ambiguïté et le dévoilement. Dans Tête de robot, un petit groupe de figures telle une miniature des Bourgeois de Calais disparaît dans une boîte d’aluminium perforée, ne laissant voir qu’une matière bleue. Cette simple proposition invite à se questionner sur le rapport entre l’humanité et la technologie et sur le lien entre la perception et le savoir.

Quoique d’une manière différente, Tête d’enfant suscite également notre désir d’appréhender l’intégralité de l’objet : un plâtre de tête d’enfant inversée et fragmentée de sorte que le visage se regarde lui-même à l’envers et qu’une nouvelle forme extérieure est créée, qui suggère un relevé topographique. Quelques touffes du sisal qui structure le plâtre semblent jaillir du sommet pour déjouer la simple perception binaire intérieur-extérieur et convoquer un défilé d’associations débridées. Nous sommes attirés plus près dans une tentative de recomposer la forme, forcés de tourner autour de l’objet, de scruter le visage tranquille. Même s’ils sont armés d’outils différents, l’enfant, le spectateur et l’artiste sont des participants égaux à ce jeu, unis par leur désir d’appréhender les réalités internes et externes des choses et d’essayer de les réconcilier.

L’une des possibilités les plus fécondes de la sculpture est de générer et d’incarner un langage flexible, qui opère sur différents plans : tactile, formel, linguistique et historique. Si Mihalcean a su adapter son langage artistique aux changements survenus en près d’un demi-siècle de pratique, il continue à se poser des questions toutes simples : Comment ces choses sont-elles assemblées? Que verrait-on si on pouvait apercevoir l’autre côté aussi?

Nathalie Zayne

Correction du texte : Jean Saint-Pierre

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Gilles Mihalcean, New sculptures
November 12 – December 20, 2014

Laroche/Joncas Gallery is very pleased to present a solo exhibition of new works by one of Quebec’s most celebrated and innovative sculptors, Gilles Mihalcean.
Active since the late 1960s, Mihalcean was a leading force behind the development of the region’s unique sculptural field in the 1980s. His rough-hewn organic forms are contained, buttressed and framed by the smooth precision of right angles and hard materials, often metals, that obliquely refer to the Minimalist tendencies of 1960s. In contrast to the professed simplicity of Minimalism, however, these juxtapositions proffer associative and poetic intensities that derive from their incessant movement between small and vast, inside and outside, reality and imagination.

As prolific as he is adept at working in a range of scale—from his spectacular 14-metre-high public art piece Monument à la Pointe (2001) and to the recent major commission at the MUHC (McGill University Health Center) yet to be unveiled, to the intimate philosophical propositions that comprise his latest output—Mihalcean’s work is unified by his canny sense of juxtaposition and humour, and his ability to make live metaphors from latent materials.

Mihalcean’s recent works seamlessly incorporate such means as fabricated aluminum, plaster, wood, graphite, found objects and natural fibres. They are heterogenous and do not rest on formal templates. They pose questions and propose riddles to us, on spatial, material, and linguistic registers.

In the deft and pithy formal gesture of Cosmos (2014*), the immensity of knowable space and the paradigmatic, unanswerable question of our existence—what is our origin?—are drawn into the humble order of the egg container. Ris, consisting of a white bone emerging (or disappearing?) into an otherwise empty rice bag, is not only a playful jeu de mots but a bundle of associations that jostle to fit together in our minds, with surprising results. Encre de Chine depicts a Chinese philosopher-figure walking amid what seem to be tall mountains; the uniform luminous obsidian of the sculpture evokes the very ink that might have sketched a similar literati painting centuries ago in China. In the formidable Tête de Victor-Lévy-Beaulieu, Mihalcean has hewn a rough and striking likeness of Victor-Lévy Beaulieu, the well-known lion of Quebecois literature and ardent nationalist, from a block of graphite. The subtractive method and the format refer to traditional methods in sculpture; Milhalcean’s homage to this living figure of Quebecois consciousness is at once contemporary and historical.

Mihalcean is a master of creating forms that foreground the incommensurate relation between ambiguity and disclosure. In Tête de Robot, a small group of figures, like a miniature, aquamarine Burghers of Calais, dissipate into so many blue circles when enveloped by an aluminum cube with circular cutouts. This simple proposition invites questions about technology and humanity, about the machine-made and the handmade, and about perception and knowing.

Through different means, Tête d’Enfant also engages our desire to apprehend the whole: a plaster head of a child has been deconstructed and inverted so that the face regards itself, upside down, and a new external shape has been created, suggesting a landform. A coarse tuft of sisal seems to sprout from the apex, disrupting a simple inside-outside binary and mobilizing an unruly parade of associations. We are drawn closer, trying to imaginatively reassemble the form; we are compelled to move around the object, peering through at the tranquil face. Though endowed with different tools, the child, viewer and artist are equal constituents in this game, related by their desire to see both the inner and outer realities of things and their attempts to reconcile them.

One of the most fecund capacities of sculpture is to generate and embody a flexible language that operates on several levels: tactile, formal, linguistic and historical. Working through over a half-century of change, Mihalcean has adapted his artistic language accordingly, but seemingly by asking himself simple questions: how do these things fit together? And, what if we could see the other side, as well?

Natalie Zayne

Gilles Mihalcean, Matières à réflexion par Nicolas Mavrikakis dans Le Devoir
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