« […] le voile de l’Illusion […] »
“ […] the veil of deception […] “

Commissaire : Jean-Michel Quirion

Réception d’ouverture le 2 mars de 15h à 18h
2 — 30 mars 2019

« […] c’est le voile de l’Illusion, qui, recouvrant les yeux des mortels, leur fait voir un monde dont on ne peut dire s’il est ou s’il n’est pas, un monde qui ressemble au rêve, au rayonnement du soleil sur le sable, où de loin le voyageur croit apercevoir une nappe d’eau, ou bien encore à une corde jetée par terre qu’il prend pour un serpent. » *

 

 

Simon Belleau, Adam Bergeron, Mathieu Cardin, Jean-Philippe Harvey, Christian Messier, Mélanie Myers, Leslie Reid, Dominique Sirois, Anna Torma et Laurence Veri.


L’exposition, représentation matérielle et formelle d’une citation glanée d’un ouvrage du pessimiste philosophe Arthur Schopenhauer, s’avère une transposition conceptuelle de la société́ actuelle. Société́ désincarnée, disloquée, névrosée et figée qui semble constamment rêver d’un monde de l’éden ; aspirations allusives et fictives qui sont néanmoins brouillées pour cause d’instances politiques, de dissonances économiques et écologiques ou encore par la surenchère technologique.

 

 

Des ondes de confusion, de contradiction, d’oppression, d’aliénation et de tension happent la sphère sociétale, submergeant celle-ci et sa raison. Or, en cette ère de faussetés, l’humanité́ aveuglée par sa perte imminente convoite son intuition pour la formation d’illusions, de réalités autrement inaccessibles. Tentative d’émancipation et d’évasion ? Les mortels sont incessamment heurtés à des idéologies dépassées, à des rêves utopiques qui, à l’évidence, s’avèrent dystopiques. Aujourd’hui, quel monde imaginer et représenter ?

À partir de ces considérations, l’exposition avance un espace d’introspection par la contribution d’artistes qui tendent à s’esquiver du numérique, à s’éloigner de la technologie, et à primer tant la peinture que la sculpture — techniques empiriques soustraites de la logique productiviste devenue la norme. En cela, les artistes rejettent le régime de temporalité́ actuel défini par une surconscience du présent.

Temps et mémoire sont convoqués par l’incarnation des évanescentes traces disséminées dans l’espace de la Galerie Laroche / Joncas. Comme dans un rêve, à l’intervalle du réel et de l’irréel, tout est fragilité́ et, de surcroît, instabilité́. Tout est précarité́ et tout est momentané́. Détournées ou altérées, les représentations, sortes d’évocations d’existences, simulent des paradis fantasmés ou, à l’inverse, totalement déréglés. Des réminiscences post-apocalyptiques, de l’après-Anthropocène, côtoient des artefacts d’autrefois. Inertes, des êtres en mutation se dissipent çà et là à travers des fragments de paysages déshumanisés qui sont effarants ou ambivalents. Dès lors, les notions de durabilité et de pérennité sont brouillées à travers la fiction — et la narration — d’un site archéologique duquel émanent des artefacts aux potentiels allégoriques ; des ruines fossilisées aux consonances actuelles et passées.
 

— Jean-Michel Quirion, commissaire

* Arthur Schopenhauer. Le monde comme volonté et comme représentation, trad. Auguste Burdeau, Paris, Librairie Félix Alcand, 1912, p. 37.
 
ENGLISH
 
“ […] the veil of deception, which blinds the eyes of mortals, and makes them behold a world of which they cannot say either that it is or that it is not: for it is like a dream; it is like sunshine on the sand which the traveler takes from afar for water, or the stray piece of rope he mistakes for a snake.*

 

 

Simon Belleau, Adam Bergeron, Mathieu Cardin, Jean-Philippe Harvey, Christian Messier, Mélanie Myers, Leslie Reid, Dominique Sirois, Anna Torma and Laurence Veri.

Opening reception on March 2, from 3 to 6PM
March 2 — 30, 2019

This exhibition, conceived as a formal and material representation of the above quote from pessimist philosopher Arthur Schopenhauer, has also proven itself to be a conceptual transposition of contemporary society. The society in question is a dislocated, disembodied, stagnant and neurotic structure that never seems to cease dreaming of a long-lost Eden; an allusive dream-state nevertheless garbled by economic and ecological dissonance, political power, and technological one-upmanship.

Waves of confusion, contradiction, oppression, alienation and tension wash into the social realm, flooding and confusing it. Yet, in this age of falsehood, we humans, blinded by our own impending doom, yearn for and conjure up illusions, otherwise inaccessible realities. An attempt at emancipation? At escape? We ceaselessly collide with obsolete ideologies, with dreams and aspirations that reveal themselves, in the end, to be anything but utopian. In this day and age, what worlds are left for us to imagine, for us to represent?

With these considerations as a starting point, the exhibition proposes a space of introspection through participating artists’ contributions, artworks that tend to avoid technology and computers, focusing rather on painting and sculpture — empirical techniques stemming from a production-oriented logic that has become the norm. In this sense, these artists reject the current temporal regime, defined as it is by an over-consciousness of the present.

Here, fleeting traces take form in the Galerie Laroche / Joncas space, evoking time and memory. As in a dream, hovering between the real and the unreal, all is fragility, instability, precarity, ephemerality. Transformed and creatively misused, these representations, these evocations of existence, embody dimensions of both fantasized bliss and utter disorder: depictions of a post-apocalyptic or post-Anthropocene world are presented side by side with artifacts of yesteryear; seemingly lifeless mutants are scattered among bewildering, ambiguous fragments of dehumanized landscape. Here, notions of durability and sustainability are muddled by the fictional narrative of an archeological site from which we are able to draw allegory-laden artifacts, fossilized remnants that resonate with both the past and the present day. 

— Jean-Michel Quirion, curator
* Arthur Schopenhauer. The World as Will and Representation, trans. E. F. J. Payne, New York: Dover Publications, 1969, p. 31.