Amélie Jérôme Correspondances
1-29 avril, 2017
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La galerie Laroche/Joncas est heureuse de présenter l’exposition Correspondances de Amélie Jérôme, la première exposition de l’artiste avec la galerie.
Correspondances (et éloignements)
« Dans la mesure où l’homme est composé de terre, d’eau, d’air et de feu, son corps ressemble à celui de la Terre; comme l’homme a en lui des os comme support et structure à sa chair, la Terre a le roc; comme l’homme a en lui un bassin de sang où ses poumons se gonflent et se vident en respirant, la Terre a sa marée qui monte et descend toutes les six heures, comme si la Terre respirait elle-aussi » (Leonardo, Carnets)
« Si, à l’origine, la nature a créé l’homme, l’homme, à son tour, s’approprie le processus créatif et devient en quelque sorte lui-même surnaturel. » (Robert Pogue Harrison, Forêts)
Dans le poème Correspondances de Baudelaire, la Nature où « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent » est un temple qui allume les sens et nous permet de retrouver une identité primordiale qui nous lie à part entière avec elle. Mais le concept archaïque de forêts et sommets de montagnes qui sont le reflet d’un équilibre originel disparu est lui-même désuet, et celui d’une nature inviolée trouve difficilement sa place à notre époque post-biologique et marchandisée. Ayant nous-mêmes créé ce mythe romantique d’une nature préservée, pouvons-nous considérer la Nature comme un concept de notre propre invention?
Les brouillards, tourbillons, strates rocheuses et nuages entrelacés qu’évoquent les peintures d’Amélie Jérôme nous présentent un aspect différent de la Nature où la force de ses implacables éléments s’expérimente en silence. La Nature est ici une force créative, un moteur productif qui nous entraîne dans sa turbulente activité; elle est un pouvoir qui nous est à la fois inaccessible et façonné par notre intervention. Ces formes qu’a peintes Jérôme ne représentent jamais des objets précis que l’on pourrait quantifier, construire ou posséder, mais laissent plutôt deviner des forces de transformation telles que le courant, l’érosion ou la réaction chimique. Notre perception se transforme elle aussi devant ces « lieux » ambigus qui renient la plupart des références au paysage et à l’habitacle. Abandonnant toute connotation humaine, ces formes attirent notre attention sur d’autres relations possibles.
La façon dont nous imaginons la matière de notre propre corps se confondant avec le reste du monde prouve bien que nous n’avons jamais définitivement rompu avec la Nature. Les peintures de Jérôme mettent en scène ces correspondances entre nos propres corps et un écosystème plus vaste. Elles révèlent une analogie avec l’origine minérale de la vie, mais ce passé s’ouvre aussi sur des possibilités futures d’association et d’engagement. Si notre premier rapport à la Nature – marqué par un historique d’idolâtrie, de dégradation et de destruction – fut difficile et divisé, ces peintures demandent que l’on s’attarde à d’autres sentiments embrouillés de joie, d’anxiété et de vénération. Ces peintures accueillent une nouvelle Nature conçue à travers un incessant processus de rapports et d’associations.
Essai par Omri Moses
Traduit par Francine Lalonde
— english —
Galerie Laroche/Joncas is very happy to present Correspondances, an exhibition of paintings by Amélie Jérôme.
This is the first solo exhibition by the artist with the gallery.
Correspondences (and Estrangements)
—“[I]nasmuch as man is composed of earth, water, air and fire, his body resembles that of the earth; and as man has in him bones as the support and framework of his flesh, the world has its rocks as the supports of the earth; as man has in him a pool of blood in which the lungs rise and fall in breathing, so the body of the earth has its ocean tide which likewise rises and falls every six hours, as if the world breathed” (Leonardo, Notes)
—“If nature originally created man, man in turn takes over the creative process and makes of himself something unearthly.” (Robert Pogue Harrison, Forests)
In Baudelaire’s poem “Correspondences,” nature is a temple that kindles the differentiated senses: “Perfumes, colors, and sounds respond to one another,” allowing us to recover an original perception of oneness. The now-archaic idea that forests and mountaintops divulge a primordial harmony we have lost is itself lost to us. Our post-organic, commodified present would seem to leave no room for pristine thoughts of nature. Because we have created these romantic myths, what prevents us from beholding nature as a concept of our own making?
The mists, eddies, rock strata, and skeins of cloud evoked by Amélie Jérôme’s paintings make us face a different aspect of nature, one that is experienced voicelessly in its obdurate elements. Here nature is a generative power, an engine of construction that sweeps us into its turbulent activity. It is at once remote from human hands and tangled up in human agency. Jérôme’s moving images never settle into distinct objects we can quantify, frame, or possess. Instead, her ambient forms give us a fleeting glimpse of forces of transformation, such as flow, erosion, and chemical reaction. Ordinary sense perception, too, undergoes a metamorphosis as these ambiguous “places” forego most landscape references and associations with habitability. They shed their human connotations, drawing our attention to other relationships we may have with them.
The way we see our own matter mingling with the wider world shows that we never exited from nature once and for all. These paintings stage an ongoing correspondence between our own composite bodies and the wider ecology. The analogies they reveal may remind us of the mineral origins of human life, but this past also hints at future possibilities of connection and commitment. While our former relationship to the natural world remains an awkward and polarized one, marked by a history of idolizing, degrading, and destroying, these paintings ask us to dwell at length in other, more mixed feelings of joy, anxiety, and reverence. They welcome a new nature, conceived through an ongoing process of contact and combination.
– Omri Moses