Mythologies
Shuvinai Ashoona, Ted Barker, Colleen Heslin, Jean-François Leboeuf, Itee Pootoogook

16 mai – 15 juin 2013 / May 16 — June 15 2013

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La Galerie Laroche/Joncas est heureuse de présenter Mythologies, une exposition regroupant le travail de cinq artistes vivant au Manitoba, au Québec et au Nunavut. Regroupées, ces œuvres offrent un paysage visuel dans lequel on peut considérer à la fois la perpétuation du mythe et le processus créatif propre à l’art au sein d’une pratique contemporaine. C’est la production et le jumelage de la malléabilité du mythe et de la nature provisionnelle de la culture populaire qui se rencontrent dans les pratiques artistiques diverses et inventives.

Il y a déjà plusieurs années Roland Barthes a exprimé ses préoccupations à propos de la tendance de la société de consommation de vider les objets de leur histoire, leur conférant le statut de mythe beaucoup trop tôt tout en les émaciant de leur substance. Les grandes histoires du passé semblent aussi perdre de leur pouvoir et sont vidées de leur signification originale. Ils deviennent en quelque sorte des coquilles vides… ” Le mythe pour Barthes est un outil de l’idéologie, il réalise les croyances, dont la doxa est le système. Dans le discours : le mythe est un signe. Son signifié est un idéologème, son signifiant peut être n’importe quoi : « Chaque objet du monde peut passer d’une existence fermée, muette, à un état oral, ouvert à l’appropriation de la société. ” (Barthes 1957 : 216) (1)

Barthes s’est investi dans le projet de déconstruire et exposer les multiples mythes exploités par la culture populaire. Aujourd’hui, les artistes à leur tour, en utilisant des matériaux et une imagerie de la vie de tous les jours, intègrent la réalité et fiction, mélangent le passé avec le présent et déconstruisent et actualisent chacun la pratique ancestrale de raconter des histoires.

À la fois inspirée et nourrie de ‘débris junk culturels’ et du jubilant mélange qui en résulte, la pratique de l’artiste montréalais Jean-François Leboeuf utilise le dessin, la vidéo, l’installation, la performance et la photographie. Avec les dessins grand-format de sa série “Bâtards”, dont une sélection est présentée dans Mythologies, l’artiste exhume à la fois des icônes et des représentations communes du ‘mauvais goût’ dans la culture populaire, les offrant en considération pour resignification. Comme pour tenter de repousser ou de subvertir l’esthétique kitsch que ces personnages évoquent habituellement, les personnages plus grands que nature sont rendus méticuleusement à la mine de plomb sur fond blanc. Cette simplicité formelle ouvre la voie à un réalisme surprenant et à une exploration visuelle détaillée de ses personnages.

Ted Barker vit et travaille à Winnipeg. Il partage avec Leboeuf maîtrise et virtuosité technique du dessin. Utilisant également le crayon fin qu’il combine avec l’aquarelle, l’artiste conjure des figures énigmatiques dans des paysages typiques des prairies Canadiennes. Ses sujets sont souvent habillés de costumes décorés de peaux d’animaux, on les voit porter des paquets de branches, pointer un fusil ou couvert d’une bâche. Le spectateur a le sentiment de se retrouver devant des portraits de personnages en état de survie qui se retrouvent isolés dans une nature sauvage qui s’étend à perte de vue. Leur solitude semble remplie de suggestions, incitant le spectateur à se questionner sur leur histoire particulière.

Basée à Montréal, l’artiste Colleen Heslin présente des compositions formalistes réalisées à partir de tissus que l’artiste teint elle-même ou bien qu’elle trouve. Présentés tendus sur des faux cadres qu’elle fabrique elle-même, ses oeuvres évoquent l’histoire de la peinture formaliste et sa persistante mythologie. En plus de sa préoccupation avec la matérialité et l’impact écologique de la réalisation de ses œuvres, l’artiste construit ses faux cadres avec du bois récupéré et elle utilise souvent des tissus trouvés. Suggèrant une certaine période, une tendance ou sous-culture, ses œuvres semblent en continuité avec l’approche esthétique ‘make do’ de Leboeuf et Barker. Le processus derrière ces œuvres perpétue l’élaboration d’une certaine histoire, celle des débris de notre société de consommation qui sont réutilisés pour raconter le moment présent.

Les artistes Inuit Shuvinai Ashoona et Itee Pootoogook, vivent tous les deux dans la riche communauté culturelle de Cape Dorset au Nunavut. Ils sont les héritiers et les innovateurs de leur riches traditions artistiques qu’ils ont réussis à propager internationalement. Le paysage nordique est le sujet favori par Itee Pootoogook. La couleur claire et brillante des ses œuvres ainsi qu’une solide composition formelle rappellent la tradition esthétique de l’art Inuit ainsi que l’environnement qui l’a vue naître. Shuvinai Ashoona, la petite-fille du renommé artiste Pitseolak Ashoona, crée des compositions complexes et chargées composées de figures humaines, d’image de leur habitations évoquant une imagerie insolite ou bien cachée, elle utilise une gamme de couleurs large et inventive. La ligne entre la fiction et réalité devient floue, Ashoona combine sa vie intime avec celle de sa culture et de sa communauté. En la transposant sur papier, elle provoque le spectateur à repenser sa perception de l’art Inuit. Les Mythologies conviennent très bien à la vie contemporaine et à son art. Étants malléables, elles peuvent s’adapter aux vicissitudes du temps et aux changements d’attitudes, de politiques et de perceptions. Le pouvoir de la création des mythes résident dans leur usage et leur retransmissions, dans l’échange qui prends place entre l’artiste et l’audience et dans leur interprétation qui est toujours en évolution. (Nathalie Zayne)

(1.) Tiré de Wikipédia

Nous aimerions remercier la Galerie Elca London à Montréal qui a rendue possible la présentation du travail de Shuvinai Ashoona et de Itee Pootoogok pour cette exposition.

 

— english —

Galerie Laroche/Joncas is pleased to present Mythologies, a group exhibition featuring the drawings and paintings of five artists from Manitoba, Québec and Nunavut. Together they furnish a visual landscape in which we can consider myth-making and art-making in contemporary practice. It is the productive and exciting pairing of myth’s malleability and popular culture’s provisional nature that connects these diverse and inventive artistic practices.
Many years ago Roland Barthes wrote about his concern that consumer culture emptied objects of their history, making them myths too early and thus depriving them of substance. Inversely, great stories of the past lost their power and were left empty myth-shells. At this point Barthes was invested in “breaking into” and exposing the multiple myths embodied in popular culture. Today, the game has changed somewhat—most notably these artists’ contemporary uses of everyday scenes, products and materials in order to tell new stories, to revitalize the practice of telling tales that incorporate the past and present, reality and fiction.

Both driven and fed by “cultural junk debris” and the gleeful mixing that it affords, the practice of Montreal-based artist Jean-François Leboeuf encompasses drawing, video, installation, performance and photography. In his large-scale drawing series Les Bâtards, a selection of which is on view in Mythologies, he exhumes both icons and common representatives of “bad taste” in popular culture, offering them up for resignification. As if to ward off or subvert the kitsch aesthetic that these “types” usually imply, the nearly life-size figures are singularly rendered in fine pencil against a white background. This formal simplicity clears the way for the startling realism and incredible visual detail of these personages.

Ted Barker, who lives and works in Winnipeg, shares with Leboeuf a virtuosic drawing ability, using pencil and paint to conjure enigmatic figures, lone objects and assemblages of the two. His subjects often wear buckskins and bear bundles of twigs; tarps and empty rain jackets add to the sense of wilderness survival. Barker’s works are both hyper-realist and surreal, the forms often resisting resolution. The enigmatic figures often look away, their faces obscured by their garments, or have no heads at all, seemingly swallowed by the materials that they carry. They evince a sense of solitude but are full of suggestion, prompting us to wonder about their particular story.

Montreal-based artist Colleen Heslin’s large formalist compositions of dyed and found fabrics, stretched taut over wood frames, evoke the history of formalist painting and its attendant persisting mythology. Moreover, her concern with the materiality and construction of these works—building frames from salvaged wood and often using old patterns and fabrics that suggest a particular decade, fad, or subculture— is also congruent with the making-do aesthetic of Leboeuf and Barker. The process behind these works further elaborates a story; consumer throwaways are re-enmeshed in our accounts of the contemporary moment.

Inuit artists Itee Pootoogook and Shuvinai Ashoona, who both live and work in the culturally rich community of Cape Dorset, Nunavut, are inheritors and innovators of its art traditions that have become internationally known. The northern landscape is Pootoogook’s primary subject. Bright, clear colours and a strong graphic quality summon the traditional aesthetic of Inuit art in his drawings and prints; at the same time he is relating a story of contemporary life in his community and the land that surrounds it. Shuvinai Ashoona, granddaughter of renowned artist Pitseolak Ashoona, creates complex compositions of human figures, unexpected or hidden imagery, and a broad colour spectrum in her drawings and prints. Her work is personal, often meticulously detailed, and extremely inventive. The lines between reality and fiction blur as Ashoona puts both her inner life and her culture and community onto paper, challenging assumptions about contemporary Inuit art. Mythologies are well-suited to contemporary life and art, as they are malleable and can adapt to the vicissitudes of time and changes in perception, attitudes and politics. The power of myth-making resides in their telling and retelling, in the exchange that takes place between artist and audience, and the interpretation that is always at work. (Nathalie Zayne)

We would like to thank Elca London Gallery in Montréal making the inclusion of the works of Shuvinai Ashoona and Itee Pootoogok possible.